Concours Wikimedia – Patrimoine vivant

J’ai très peu de temps pour écrire cet article. Choisir les images, dire l’essentiel. Je trouve que l’initiative d’un concours photo pour illustrer et diffuser la connaissance des arts vivants répertoriés au patrimoine culturel immatériel est une très bonne idée. J’ai quelques images que j’aimerais soumettre concernant l’art de l’espalier. Seulement voilà, elle ne répondent pas à l’un des critères d’évaluation essentiels, une présence humaine sur la photo. On n’y voit personne en train d’exercer cet art.

Deux poiriers anciens contre le mur de ma grange à la campagne. Ils témoignent d’une pratique populaire de l’art de l’espalier, destinée à produire des fruits pour la famille et les proches. Photo 21 août 2024, Cantal, France.

Pourtant, je trouve mes photos intéressantes. Elles ont pour moi quelque chose de vivant. Une trace du passé, la marque de ceux qui ont construit le bâtiment contre lequel les arbres fruitiers ont poussé, la façon dont ils les ont plaqué contre le mur pour en faire des espaliers. Ah oui, j’oubliais, mes photos illustrent « l’art de l’espalier », listé au patrimoine culturel immatériel français en 2023. C’est un art de tailler les arbres fruitiers pour leur donner la forme que l’on souhaite et leur permettre de fructifier au mieux, pour donner les plus beaux et meilleurs fruits possible.

La branche en bas à droite est le reste d’une conduite soignée de l’arbre contre le mur.

Cet art est souvent présenté comme une activité maîtrisée par les jardiniers de grandes demeures. On peut citer le Potager du Roi à côté du château de Versailles ou le château de Valmer où se tiennent d’utiles réunions d’experts destinées à transmettre ce savoir-faire. Les stages pratiques organisés là, hélas limités au petit nombre de personnes qui peuvent y assister, sont un bon début. En effet cet art vaut d’être pratiqué pour de multiples raisons, qui vont de la création et du maintien de beaux jardins démontrant les capacités de l’horticulture à l’optimisation de la production de fruits, comme par exemple celle de pêches à Montreuil dès le 17 ème siècle ou celle aujourd’hui de fruits contre des murs qui les protègent des gelées tardives et leur permettent de bénéficier de la chaleur dont ils ont besoin l’été.

Protégés de la pluie et du gel, les deux arbres ont bien donné cette année. Un tout début de taille de restauration par Evelyne Leterme en novembre dernier a certainement également fait beaucoup de bien à celui-ci.

J’ai toujours argumenté en faveur d’une conception plus large de l’art de l’espalier dans le collectif dont je fais partie et qui vise à son inscription au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (pour l’instant, cet art n’est inscrit qu’au patrimoine français). Pour moi, l’art de l’espalier est aussi un art populaire au sens où il est pratiqué dans des jardins plus modestes, des petits jardins urbains ou péri-urbains, des bâtiments de ferme, dans tout lieu où on a produit et où on continue à produire parfois pour se nourrir soi-même et faire de son habitation un lieu de vie foisonnante grâce à l’habile main de l’homme. Les poiriers en espaliers du jardin de mon enfance (en ville, pas celui-ci) ne nourrissaient déjà plus notre famille. Je ne me souviens même pas d’avoir vu une poire sur ses arbres. Mais je sais que les générations précédentes cultivaient le lieu et profitaient des fruits et légumes qui poussaient là. Leur savoir-faire remontait loin. Avant la Révolution Française, car le mur à espaliers qui clôturait le jardin sur sa partie nord était déjà là en 1789. C’était alors un lieu d’agriculture urbaine.

Ces deux arbres sont vieux et déformés, mais j’y tiens beaucoup. Ils font partie du patrimoine familial et sont une trace vivante de pratiques à remettre au goût du jour.

Il m’en reste deux, des poiriers en espaliers. Dans notre propriété à la campagne. Ils ont perdu leur forme, se sont en partie écartés du mur de la grange contre lequel on les avait plantés. Mais ils sont toujours protégés par le mur qui rayonne de sa chaleur et par l’avancée du toit à l’abri des vents dominants. Cette année, alors que les fleurs des arbres du reste de l’enclos ont été lessivées par la pluie et qu’une forte gelée tardive en avril a fini de détruire la quasi-totalité de la production de l’année, les deux vieux poiriers ont donné comme jamais je ne l’avais vu. Ce sont ces photos que je souhaite partager. Il n’y a pas d’intervention humaine à proprement parler. Pourtant, on sent bien que sans les hommes, sans leur connaissance et leur pratique de l’art de l’arbre fruitier, tout cela ne serait pas là. Cette beauté d’un mur ancien contre lequel poussent les arbres et leurs fruits n’existerait pas. Il y a quelque chose de très humain là.

Non seulement le mur a protégé les arbres de la gelée d’avril cette année par rayonnement de la chaleur accumulée pendant la journée, mais le toit a aussi protégé les fleurs des fortes pluies qui les ont rincées et rendues stériles sur les arbres en plein champ.
Contre le mur exposé au sud, les deux poiriers sont aussi à l’abri des vents dominants.

Le collectif de l’art de l’espalier se réunit en ligne ce jeudi 19 septembre 2024. Une fois de plus, je militerai pour une plus grande prise en compte de la pratique de l’art de l’espalier en dehors des châteaux, pour la reconnaissance d’une forme simple de cet art qui plaque des arbres contre les murs afin qu’ils soient dans les meilleures conditions pour produire, ou qui forme des arbres de taille adaptée au milieu de petits jardins où les fruits seront à portée de main sans échelle. Ce sera aussi l’occasion de rappeler l’existence de ce concours Wikimedia, afin qu’un maximum d’images de la pratique de l’art de l’espalier, y compris celui pratiqué par les experts dans les grandes demeures historiques, soient soumises sur Wikimedia. Je n’ai aucun doute que parmi elles, qui montreront des personnes en action, figureront des photos qui transmettent non seulement un savoir-faire technique, mais aussi une sentiment d’harmonie de l’homme dans son milieu de vie. C’est cela que nous avons besoin de ressentir, afin que nous ayons envie de faire la même chose, de planter ou de faire planter et entretenir des arbres fruitiers dans nos jardins.

Un fruit pas encore mûr. On voit bien le reste de palissage en dessous, un câble qui permet de garder l’arbre suffisamment près du mur.

Mmm… En consultant une autre page, je remarque que le concours Wikimedia concerne le patrimoine vivant listé à l’UNESCO, ce qui n’est pas encore le cas de l’art de l’espalier, seulement classé au patrimoine français. Cela empêche-t-il de sélectionner des photographies de la pratique de cet art et de les soumettre ? Peut-être ne seront-elles pas examinées par les juges. Mais ça reste à mon avis un bon exercice, qui permettra à un public large, si les mots clés et les descriptions de ces photos sont bien choisis, de commencer à découvrir cet art en images. Date limite de téléchargement des photos pour le concours : 27 septembre 2024. Date limite de téléchargement d’images libres de droits sur Wikimedia, afin de les partager sans modération : aucune !

Les poires ont muri depuis. Certaines, encore vertes, seront cueillis dans les jours à venir. Nous nous régalerons de ces fruits juteux et fondants d’une variété duchesse, d’après ce que me disait ma tante, qui avait l’habitude d’en faire aussi des confitures. Photo 13 septembre 2024.

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