The Gardens Trust Blog

Ce blog contient beaucoup d’informations sur l’histoire des jardins et des analyses critiques à mon sens indispensables à la compréhension des enjeux contemporains de conservation et de création de ces espaces de vie.

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L’auteur du Gardens Trust Blog, le Dr. David Marsh, est un historien des jardins membre du conseil d’administration du Gardens Trust, la seule association nationale britannique dédiée à la protection et à la conservation du patrimoine des paysages jardinés du Royaume Uni1. Il a publié plus de quatre cents articles depuis sa création en 2013. La fréquence de publication est d’un article par semaine, le samedi matin.

The Gardens Trust Blog et le rôle de l’association The Gardens Trust en trois mots :
étudier, préserver, promouvoir. Copie d’écran, octobre 2021.

Le blog invite le lecteur à s’informer davantage sur “le monde fascinant de l’histoire des jardins au sens large”. Les articles couvrent des sujets très divers, “des éléphants mécaniques aux jardins sur les toits, et de la destruction de taudis à la plante en pot la plus ancienne du monde”2. On découvre des demeures et des jardins historiques, des propriétaires terriens, des personnalités politiques, religieuses et de la société civile, des architectes paysagers, des jardiniers et des artistes qui ont façonné l’histoire des jardins au Royaume Uni et ailleurs, sur le terrain comme dans l’art et la littérature.

Les articles concernent surtout les parcs et jardins ornementaux, mais aussi les jardins fruitiers et potagers. De nombreuses images d’archives et photos sont présentées, et des liens vers de multiples références bibliographiques permettent au lecteur d’approfondir ses recherches.

Voici trois des publications qui ont particulièrement retenu mon attention lors de mon exploration, encore partielle, du blog du Dr. Marsh (cliquer sur les titres pour accéder aux articles complets) :

“Who gives a fig… especially in Sussex” – 12/08/2017

“Qui se soucie des figues… en particulier dans le Sussex”. Cet article parle de la conservation du patrimoine culturel et paysager. Il montre deux exemples dont devraient s’inspirer les urbanistes qui veillent au développement de la ville où j’habite en France.

L’article présente plusieurs faits historiques, de la conservation d’un figuier multi-centenaire au centre de Londres à la disparition de vergers de figuiers sur la côte sud de l’Angleterre au début du vingtième siècle, dans le Sussex, au profit du développement urbain. C’est la première publication du Gardens Trust Blog que j’ai lue, il y a deux ou trois ans, alors que j’effectuais des recherches sur l’âge des arbres fruitiers. J’avais trouvé les photos du figuier du Cardinal Pope, qu’on peut admirer dans la cour de la Bibliothèque du Lambeth Palace à Londres, particulièrement remarquables. Non seulement ce figuier a l’air magnifique, mais la taille sévère effectuée tous les quatre ans semble fonctionner à merveille.

Extrait du chapitre sur l’introduction des figuiers au Royaume Uni
et photo du figuier du Cardinal Pope (2015). Copie d’écran.

Comme le Dr. Marsh le démontre, l’arbre qu’on peut admirer dans ce jardin aujourd’hui n’est pas le figuier original planté en 1556, mais plusieurs de ses descendants plus ou moins lointains qui donnent l’impression d’un arbre unique. Mais qu’importe, il s’agit là à mon sens d’un exemple remarquable de conservation d’un élément de patrimoine. Je compte me rendre sur place pour en apprendre plus, en particulier auprès des volontaires qui participent à l’entretien du lieu.

L’exemple des vergers de figuiers du Sussex est également intéressant, car s’ils ont disparu sous l’effet de la pression immobilière, une trace de ce passé révolu a tout de même été conservée à la demande du conseil municipal de la ville de Worthing. Les habitants du quartier de Tarring peuvent ainsi profiter aujourd’hui des restes des jardins, lors d’une journée portes ouvertes organisée chaque année le dernier samedi de juin ou le premier de juillet dans une propriété privée du nom de Bishop’s Garth. Je compte aussi découvrir cet endroit, situé à moins de quatre kilomètres du lieu où je réside habituellement lorsque je visite le Royaume Uni.

Extrait du chapitre sur les vergers de figuiers du Sussex et photos de Bishop’s Garth où on conserve une trace vivante de leur histoire. Copie d’écran.

Il est dommage qu’une telle démarche de conservation du patrimoine n’ait pas été adoptée par les autorités publiques de la ville où j’habite en France, Aurillac, où un grand poirier témoin du passé agricole urbain de la ville et de ses monastères a été abattu dans mon quartier en 2020 pour construire une maison individuelle (voir notre article Le poirier de cent cinquante ans). Ces autorités pourraient cependant rattraper l’erreur commise, car la maison en question n’a pas encore été construite. Au-delà de l’enrichissement du patrimoine local culturel et paysager qu’une telle action permettrait, on sauvegarderait ainsi un espace vert précieux dans une zone très construite du centre-ville, comme l’ont unanimement souhaité les habitants du voisinage lors d’une enquête publique cette année.

The Cottage Garden and its origins” – 08/05/2021

“Le jardin du cottage anglais et ses origines”. Cet article nous informe sur la vie des campagnes au XVIII et XIXièmes siècles. Il a nourri ma réflexion sur les enjeux actuels de l’alimentation, en particulier le développement de l’agriculture urbaine.

Qui sait que l’image bucolique des cottages de la campagne britannique – ces petites maisons traditionnelles confortables et coquettes entourées d’un jardin bien entretenu – est née de la tentative d’un groupe de philanthropes et de propriétaires terriens d’améliorer la condition des pauvres au Royaume Uni, après que la misère et les famines ont provoqué la Révolution Française?

Extrait de l’article “Le jardin du cottage anglais et ses origines”. Copie d’écran.

David Marsh raconte l’histoire de l’apparition et de l’évolution du concept de cottage garden entre le XVIIième et le XIXième siècle. Il décrit le développement d’une vision romantique des cottages et de leur jardin qui ne reflétait pas la réalité de la misère des campagnes. Il conclut que les initiatives prises par exemple par la Society for Bettering the Condition and Increasing the Comfort of the Poor (société pour l’amélioration des conditions de vie et du confort des pauvres) ont en fait « à peine effleuré le problème de la pauvreté en milieu rural », rappelant la dureté du travail de la terre et des conditions de vie qui avaient peu changé depuis le Moyen-Âge, dans des logements souvent restés sordides.

Il a publié un deuxième article le 22/05/2021, Cottage Gardens – Cabbages and Chocolate boxes (“Jardins des cottages anglais – choux et boites de chocolats”) dans lequel il montre combien la conscience que les réformistes sociaux avaient de cette pauvreté a été éclipsée dans la conscience collective par des versions romantiques idéalisées façon “boites de chocolats” de la vie rurale, véhiculées entre autres par les œuvres d’artistes exposées par des institutions comme la Royal Academy. David Marsh explique comment “le mythe de la vie rurale confortable” a été entretenu par exemple par le choix d’exposer des peintures montrant des enfants en train de jouer plutôt que des représentations plus réalistes de leur travail de la terre, pourtant très répandu à l’époque. Même les œuvres de Myles Birket Foster, qui a peint le délabrement des cottages avec réalisme, ont fini par participer au développement de ce mythe.

Extrait de l’article “Jardins des cottages anglais – choux et boites de chocolat” avec une des nombreuses images du peintre Birket Foster qu’on peut y voir. Copie d’écran. 

Il semble que le public ait été prompt à accepter l’illusion romantique d’une campagne idyllique. Ce décalage entre la réalité et sa perception n’est-il pas le résultat d’une aspiration commune, du philanthrope à l’artiste et du conservateur de musée au visiteur, à un monde meilleur ?

Sans doute, mais si l’utopie nous réunit, constitue une aspiration légitime et rend le progrès possible, les mythes qu’elle génère sont néanmoins incapacitants, comme le démontre l’impuissance à régler le problème de la pauvreté dans les campagnes du XIXième siècle. 

Un autre mythe dont nous devons à mon avis nous méfier aujourd’hui s’est développé ces dernières années. Il concerne la production agricole en milieu urbain et sa contribution à la satisfaction des besoins alimentaires. Je trouve la photo ci-dessous, d’une ferme sur un toit de Hong Kong, présentée dans une exposition au Victoria & Albert Museum (V&A) à Londres en 2019, tout à fait évocatrice de ce mythe. Combien cette ferme produit elle ? De quoi couvrir les besoins annuels d’une ou deux personnes, guère plus ? Et quelle proportion de la population de la ville peut-elle jouir du privilège d’avoir une telle terrasse ?

Extrait du catalogue de l’exposition3 Food – Bigger than the plate4 de 2019 au V&A,
avec l’image de la “ferme sur le toit” de Hong Kong. Photo, 17 octobre 2021.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets : les mots “ferme” et “créée par un collectif d’artistes, d’agriculteurs et de designers” ont remplacé les images d’enfants souriants des tableaux boite de chocolats. Quant à la pauvreté, elle est toujours là : les immeubles délabrés de la riche Hong Kong ont remplacé les taudis des campagnes de l’Angleterre victorienne. L’histoire des cottages présentée par le Dr. Marsh ne nous indique-t-elle pas qu’il vaudrait mieux être plus réaliste dans la façon d’envisager la contribution de l’agriculture urbaine à la résolution du problème des ressources alimentaires aujourd’hui ? 

Pour revenir aux campagnes, David Marsh nous dira peut-être dans une prochaine publication si “le mythe de la vie rurale confortable” est aujourd’hui devenu réalité. Qui se promène dans la campagne anglaise est souvent émerveillé, c’est en tout cas mon expérience, par la beauté de ses cottages et de leurs jardins. Ces cottages sont je pense peu connectés avec le monde de l’agriculture aujourd’hui. Mais y produit-on tout de même des fruits et des légumes, ou bien encore des plantes aromatiques, condimentaires et autres pour l’alimentation et le soin de la personne ? Je serai ravi d’avoir l’éclairage du spécialiste de l’histoire des jardins sur cette question. 

Chambord and its new 18thc garden – 09/10/21

“Chambord et son nouveau jardin du XVIIIième siècle”. Cet article parle du domaine que je visiterai en juin 2022 dans le cadre d’un colloque européen sur la conservation des jardins fruitiers et potagers historiques. Il soulève la question de l’authenticité de nos actions. 

David Marsh nous présente une intéressante critique du jardin ornemental à la française situé devant le château, recréé en 2018. La présence de variétés de plantes hybrides récentes nuit-elle à l’authenticité du lieu ? Plus fondamentalement, comme il le suggère, Chambord sacrifie-t-il aujourd’hui son authenticité à son attractivité touristique ?

Conclusion de l’article “Chambord et son nouveau jardin du XVIIIième“.
Copie d’écran, octobre 2021.

Cette question vaut à mon sens d’être posée pour tout projet qui s’appuie sur l’histoire. Comment trouver un équilibre entre la préservation de la réalité historique et la représentation qu’on en donne pour attirer des visiteurs ? Je me ferai ma propre opinion le 23 juin 2022. Je visiterai également à cette fin le jardin fruitier et potager créé en 2019 ainsi qu’une nouvelle zone destinée à la permaculture, présentés par leurs créateurs comme des espaces où l’histoire se perpétue et la tradition s’enrichit de la modernité. Cela devrait nourrir l’analyse.

Je serais ravi de rencontrer le Dr. David Marsh à cette occasion, dans le cadre du Colloque de Chambord organisé par l’association des Amis du Potager du Roi5 et le Walled Kitchen Gardens Network6 auquel il est invité. Nous pourrions échanger nos vues in-situ.

En attendant, peut-être nous joindra-t-il pour la sixième session préparatoire de ce colloque, qui aura lieu en ligne demain jeudi 21 octobre 2021 ? Le thème en sera “Le rôle unique du propriétaire”. “Quels sont les rôles et les responsabilités du propriétaire d’un jardin fruitier et potager historique? Comment un propriétaire peut-il atteindre l’excellence ?” seront les questions abordées.

Je vois pour ma part trois facteurs d’excellence : 

  • Le propriétaire se doit de connaître la réalité des contraintes de la production et de l’utilisation de denrées alimentaires dans son jardin, ou d’être bien assisté dans ce domaine. Il peut souhaiter entretenir ce jardin à des fins esthétiques plutôt que pour sa production de fruits, de légumes et de plantes. Mais même dans ce cas, comment sans cette connaissance pourrait-il transmettre l’héritage culturel du lieu ?
  • Les choix de variétés de fruits et de légumes et de l’application de techniques culturales anciennes ou modernes doivent être cohérents : veut-on garder un jardin tel qu’il était, par exemple à son époque la plus florissante, ou bien le faire vivre avec son temps ?
  • Dans tous les cas, il s’agit d’être authentique, autant dans ses choix que dans la façon de les communiquer.

Les analyses du Dr. Marsh sur Chambord ont largement inspiré mon troisième point. On ne peut pas prendre la bonne direction et être efficace sans authenticité, et, je dirais, sans sincérité, gage d’une bonne communication avec ses clients. Je compte partager ce point de vue demain au cours de la session préparatoire du colloque, qui se tiendra en français et en anglais.

L’article sur les cottages permet de souligner l’importance du premier facteur : connaître l’effort requis pour qu’une terre produise et le rendement qu’on peut en tirer inscrit dans la réalité et éloigne du mythe. Savoir de quoi on parle permet également d’être cohérent dans sa communication.

Quant à l’exemple du figuier du Cardinal Pope, il suggère qu’il n’y a pas forcément de lien entre fidélité à la réalité historique et authenticité : peut importe si le figuier n’est pas l’original si l’institution qui le conserve est restée fidèle à ses valeurs ?

Enfin, les figuiers du Sussex et le poirier d’Aurillac montrent qu’on est rarement seul dans l’équation et qu’un propriétaire doit savoir composer avec nombre de partenaires extérieurs, en particulier lorsque la conservation s’inscrit dans un projet territorial. C’est là un quatrième facteur d’excellence qu’on peut ajouter aux trois autres.

En conclusion, je remercie le Dr. Marsh et le Gardens Trust pour la richesse des informations et des analyses qu’ils mettent à la disposition du public. Je vous engage à découvrir The Gardens Trust Blog si vous ne le connaissez pas encore. Taper des mots clé dans la boite de dialogue qui y est prévue à cet effet facilitera vos recherches.

References: (consultées le 20 octobre 2021)

  1. https://thegardenstrust.org/about-us/ (en anglais)
  2. https://thegardenstrust.blog/home/ (en anglais)
  3. https://www.vam.ac.uk/shop/books/exhibition-books/food%3A-bigger-than-the-plate-156821.html (en anglais)
  4. https://www.vam.ac.uk/exhibitions/food-bigger-than-the-plate (en anglais)
  5. http://www.amisdupotagerduroi.org/qui-sommes-nous/
  6. https://www.walledgardens.net/about-us/ (en anglais)

2 thoughts on “The Gardens Trust Blog

  1. Super Jean Jacques, C’est reparti pour « les jardins d’ici « 🥰Je vais lire ton nouveau post tranquillement et avec plaisir…🙏Tu vas sûrement bientôt retourner en Angleterre, tu dois être content de retrouver Jak 😃À bientôt,Gros. Bisous 😘 ☀️🌿

    • Salut Babette, oui, j’y vais la semaine prochaine. Tiens, je te soumets une question, à toi l’artiste peintre. La perception des tableaux de Birket Foster par le public m’intrigue. Pourquoi à ton avis les gens de son siècle ont-ils vu une “vie rurale confortable” alors qu’il montre le délabrement des maisons? Bonne lecture et à bientôt, gros bisous

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